Dans la pensée islamique, le mariage (zawaj) occupe une place centrale, car la cellule de base de la société est la famille. Le Coran et la Sunna encouragent les croyants à se marier et à marier leurs proches. Contrairement au christianisme où le mariage peut avoir un statut sacramentel, le mariage en islam est avant tout un contrat (nikah) conclu entre un homme et une femme, avec des droits et des devoirs réciproques clairement définis.
La notion de chasteté ne concerne pas seulement les femmes, mais tout autant les hommes. Le Coran demande aux croyants de baisser le regard et de préserver leur intimité, hommes et femmes étant appelés à la même exigence morale. Dans la pratique sociale, la pression se concentre souvent sur la virginité féminine, perçue comme liée à l’honneur de la famille, alors que la chasteté masculine reste plus difficile à contrôler ou à vérifier. Il est significatif que la seule femme nommée explicitement dans le Coran soit Marie, mère de Jésus, dont la pureté et la virginité sont reconnues par les musulmans comme par les chrétiens.
Les relations sexuelles sont autorisées uniquement dans le cadre du mariage. Les rapports en dehors de cette union sont regroupés sous le terme général de fornication et sont clairement condamnés. Le texte coranique présente cette conduite comme une voie dégradante et dangereuse pour l’individu et pour la société. Le mariage apparaît ainsi comme le cadre légitime de la vie intime et comme un moyen de protection pour les individus et pour la communauté.
Le choix du conjoint est encadré par des règles juridiques mais il doit aussi tenir compte de l’affinité et de l’entente entre les personnes. Un homme musulman peut épouser une musulmane, mais aussi, dans la tradition classique, une femme appartenant aux gens du Livre, c’est-à-dire une chrétienne ou une juive. Le Prophète lui-même a épousé des femmes non musulmanes, comme Marie la Copte. Pour la femme musulmane, le droit classique considère en principe que son époux doit être musulman et ne reconnaît pas le mariage avec un non-musulman comme valide sur le plan religieux. Ces règles peuvent être interprétées et appliquées différemment selon les écoles juridiques et les contextes nationaux, mais elles restent la base du droit matrimonial traditionnel.
Le tuteur (wali) est un homme musulman qui représente la femme au moment de la conclusion du contrat de mariage. Il s’agit en général du père ou d’un proche masculin, à condition qu’il soit lui-même musulman. Un père non musulman ne peut pas exercer ce rôle dans le cadre du droit islamique classique. Pour une femme qui se marie pour la première fois, l’intervention du tuteur est normalement indispensable, qu’elle soit mineure ou majeure. Si le tuteur refuse un prétendant que la femme juge convenable, elle peut saisir le juge (cadi) qui examinera la situation et pourra lever un refus abusif. Lorsque le mariage est conclu sans l’intervention du tuteur, sa validité dépendra souvent de l’acceptation ou du refus explicite de ce dernier selon les écoles.
Pour une femme divorcée ou veuve, le droit musulman classique lui reconnaît davantage d’autonomie. Elle peut généralement conclure un nouveau mariage sans que le tuteur ait la même place que lors de sa première union, même si l’avis d’un proche ou d’un représentant reste souvent recherché pour des raisons sociales et familiales.
Le consentement de la femme est une condition fondamentale de la validité du mariage. Elle ne peut être mariée de force en droit, même si la pratique sociale a parfois dévié de ce principe. Dans la tradition prophétique, il est rappelé que la jeune fille doit être consultée, même si sa pudeur peut la conduire à se taire, et que ce silence vaut alors accord. Les textes distinguent aussi la femme déjà mariée, dont la parole explicite est requise, et la vierge, pour laquelle l’acceptation peut s’exprimer par un consentement discret. Le principe de base demeure que le mariage imposé contre la volonté de la femme est contraire à l’éthique islamique, même si, dans les faits, des abus ont pu exister ou subsister dans certains milieux.
La dot (mahr) est une somme d’argent ou un bien que le mari s’engage à verser à son épouse. Elle est prévue dans le contrat de mariage et constitue un droit propre de la femme. Ce bien lui appartient en totalité et le mari ne peut y toucher, même en cas de divorce. Le Coran recommande de remettre ce don de manière généreuse. La dot peut être payée immédiatement, différée en tout ou partie ou faire l’objet d’un accord mixte. Elle symbolise la responsabilité matérielle assumée par l’époux et donne à l’épouse une sécurité économique.
En cas de répudiation avant la consommation du mariage, la femme conserve en principe une partie de la dot prévue, certains juristes pensant qu’elle doit recevoir la moitié du montant convenu. La dot joue également un rôle dans les divorces à l’initiative de l’épouse, par exemple dans le khul, où la femme peut demander la dissolution du mariage en renonçant à tout ou partie de la dot afin de se libérer.
Le texte coranique autorise, de manière conditionnelle, la possibilité pour un homme d’avoir jusqu’à quatre épouses. Cette permission s’accompagne toutefois d’un avertissement clair sur la nécessité d’être juste envers chacune d’elles, tant au niveau matériel que dans le temps et l’attention accordés. Lorsque la justice ne peut pas être garantie, le Coran recommande de se limiter à une seule épouse afin d’éviter l’injustice et les tensions. La polygamie n’est pas une obligation mais un droit encadré, et elle a souvent été liée à des circonstances historiques ou sociales particulières.
Dans le contrat de mariage, certaines écoles juridiques reconnaissent à l’épouse le droit de fixer une clause de monogamie. Si le mari accepte cette clause puis souhaite épouser une autre femme, l’épouse peut demander la dissolution du mariage. Par ailleurs, plusieurs pays à majorité musulmane ont aujourd’hui restreint, encadré sévèrement ou interdit la polygamie sur le plan légal. La Tunisie et la Turquie l’ont proscrite, tandis que d’autres États, comme le Maroc, l’ont rendue difficile en pratique en imposant des conditions strictes.
Rien, dans les sources de base, n’interdit à une femme de travailler ou d’exercer une activité économique. L’exemple de Khadija, première épouse du Prophète, riche commerçante, est souvent cité. Le principe souvent avancé est que le travail de la femme ne doit pas détruire la cohésion familiale ni la prise en charge des responsabilités fondamentales du foyer, mais les modalités concrètes varient selon les contextes, les besoins économiques et les choix du couple. Les revenus issus du travail de l’épouse lui appartiennent en propre en droit classique, tandis que l’obligation de subvenir aux besoins de la famille repose principalement sur le mari.
L’islam reconnaît la possibilité du divorce, même si celui-ci est considéré comme une solution ultime et détestée parmi les choses permises. La séparation peut être demandée par l’homme, par la femme ou négociée d’un commun accord. Une fois le divorce effectif, chacun peut se remarier. Le droit organise des délais d’attente, des règles d’entretien et parfois des tentatives de conciliation avant la rupture définitive, afin de limiter les divorces impulsifs.
Pour la garde des enfants, la plupart des écoles juridiques accordent la priorité à la mère pour les plus jeunes, à condition qu’elle soit en mesure de s’en occuper correctement. Lorsque les enfants grandissent, les opinions divergent sur le parent chez qui ils doivent vivre, certains critères tenant compte de l’intérêt de l’enfant, de la stabilité du foyer ou de la capacité éducative de chaque parent. Les décisions contemporaines dépendent beaucoup des lois en vigueur dans chaque pays.
L’adultère est défini comme une relation sexuelle en dehors du mariage, qu’elle soit hétérosexuelle ou homosexuelle. Le Coran le classe parmi les grandes transgressions. Toutefois, la procédure de preuve est extrêmement exigeante. Pour établir l’accusation, il faut la déposition concordante de quatre témoins oculaires de l’acte, ce qui est presque impossible à réunir en pratique. Les personnes qui accusent sans pouvoir fournir ces témoignages encourent elles-mêmes une peine pour calomnie, ce qui protège en principe l’honneur et la vie privée.
Le Coran prévoit, pour les coupables établis, une peine de flagellation, tout en ouvrant la porte au repentir et à l’amendement. Certains versets plus anciens mentionnent l’enfermement des femmes coupables, mais de nombreux commentateurs considèrent que ces passages ont été remplacés par la nouvelle législation de la sourate 24. Le texte coranique ne mentionne pas la lapidation. Les peines les plus lourdes décrites dans certains recueils juridiques relèvent d’interprétations postérieures, discutées et appliquées de manière très variable selon les pays et les périodes.
Une personne reconnue coupable d’adultère reste, sur le plan juridique, libre de se remarier par la suite. Certains textes classiques recommandent qu’elle épouse un partenaire ayant connu une situation similaire, mais ces dispositions sont interprétées diversement et ne sont pas appliquées de façon uniforme dans le monde musulman contemporain.
L’histoire du droit musulman connaît aussi des formes particulières d’union. Le mariage de jouissance (zawaj al-mut’a) est un exemple mentionné dans la tradition. Il s’agissait d’un mariage à durée déterminée, assorti d’une dot, qui aurait été pratiqué dans les premiers temps de l’islam. La tradition sunnite rapporte qu’il a été abrogé par la suite et ne le reconnaît plus comme licite. En revanche, le droit chiite duodécimain en maintient la validité sous certaines conditions strictes, en le distinguant du mariage permanent.
Ces débats illustrent la diversité des interprétations juridiques au sein du monde musulman. Le mariage en islam reste un cadre contractuel souple, qui repose sur quelques principes majeurs comme le consentement, la dot, la responsabilité mutuelle, la protection de la chasteté et la préservation de la famille, mais dont les modalités concrètes varient selon les écoles, les époques et les législations nationales.